NUTRITION Des "leurres" pour réduire la teneur en sel des aliments

Publié le par ANNE MARIE G

Manger trop salé augmente le risque de maladies cardio-vasculaires, c'est aujourd'hui largement prouvé. Pour cette raison, la réduction de la teneur en sel des aliments est devenue un enjeu majeur pour les industriels de l'alimentaire. Mais encore faut-il que le produit reste agréable à consommer. D'où l'intérêt des travaux que viennent de mener à bien des chercheurs du Centre des sciences du goût et de l'alimentation, au sein du département alimentation humaine de l'Inra, à Dijon. Thierry Thomas-Danguin et Christian Salles ont montré que certains arômes évoquant des goûts salés peuvent rehausser la perception d'une saveur salée. "Derrière ce phénomène se cache un mécanisme de compensation entre les différents sens, l'odorat et le goût", expliquent-ils.

"En agroalimentaire, le sel est un ingrédient-clé, largement impliqué dans la structuration des produits et garant d'une sécurité microbiologique satisfaisante", rappellent ces chercheurs. Il joue aussi un rôle fondamental dans l'appréciation des aliments. Mais nous consommons quotidiennement 8,5 g de sel, soit quatre fois plus que nos besoins physiologiques, dénonçait l'an dernier dans Le Point le docteur Laurent Chevalier, nutritionniste à Montpellier, à l'occasion de la sortie de son dernier livre consacré à la malbouffe. L'Organisation mondiale de la santé s'est d'ailleurs prononcée en faveur d'une réduction de la teneur en sel dans les aliments pour atteindre une consommation de 5 g/jour.

Une étude, publiée en début d'année dans le New England Journal of Medicine prouve, une fois encore, le bien-fondé de ces recommandations. Selon ses auteurs, si les Américains diminuaient simplement de 3 grammes leur apport quotidien en sel, cela se traduirait par une réduction annuelle de 60.000 à 120.000 nouveaux cas de maladie coronarienne, de 32.000 à 66.000 accidents vasculaires cérébraux, de 54.000 à 99.000 infarctus du myocarde et de 44.000 à 92.000 décès toutes causes confondues. Ainsi que des économies annuelles évaluées de 10 à 24 milliards de dollars...

Mais voilà, les produits "pauvres" en sel semblent souvent fades. Explication des chercheurs : "Lorsqu'un aliment est ingéré, une multitude de signaux sensoriels (arômes et saveurs notamment) sont perçus au niveau de la langue et du nez, et intégrés simultanément. Ces signaux participent, au même titre que les odeurs imaginées, à la perception du goût." Partant de ce constat, ils ont eu l'idée de renforcer la perception de la saveur salée des aliments en utilisant des arômes évoquant des "goûts salés". Ils ont donc établi une liste d'arômes candidats, dont la simple évocation était bien associée à un goût salé dans l'esprit des consommateurs (sardine, bacon, anchois, cacahuète, comté, jambon, poulet, sauce soja...).

Au final, ils ont retenu quatorze arômes commerciaux et les ont testés auprès de consommateurs. Résultat : les arômes qui évoquent de prime abord le plus la saveur salée - anchois et bacon - sont ceux qui l'imitent le mieux. Et lorsque la personne s'attend à ressentir une sensation "salée", la perception de la teneur en sel de la solution proposée est accrue, même lorsqu'il s'agit de très faibles quantités. Bref, cette saveur salée peut être provoquée simplement en l'imaginant à l'avance.

Actuellement, les recherches se poursuivent pour évaluer l'impact renforçateur durable des arômes sur la saveur salée dans des modèles alimentaires plus complexes et des aliments réels. À terme, les chercheurs pourraient étendre l'utilisation de ce mécanisme de "compensation intersensorielle" mis en évidence dans cette étude à d'autres composés sensoriels (sucre, matière grasse) dont la teneur dans les aliments devrait être réduite. Une tromperie sur la marchandise, mais pour la bonne cause !

source : LE POINT Publié le 06/10/2010 à 12:42

Publié dans NUTRITION ET SANTE

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